Un fort lien entre productivité primaire de la biosphère globale et la concentration en dioxyde de carbone pendant les cycles glaciaires – interglaciaires des derniers 800 000 ans.


La productivité primaire de la biosphère globale via la photosynthèse est le plus fort flux d’absorption de dioxyde de carbone atmosphérique. Il est donc essentiel de comprendre sa variabilité naturelle pour une meilleure projection du futur cycle du carbone. Les observations modernes indiquent une relation étroite entre la productivité globale et la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique, par l’effet de fertilisation du carbone. Cependant, aucune donnée ne permet de documenter la persistance de ce mécanisme de rétroaction pour différentes configurations climatiques et différentes concentrations en dioxyde de carbone.

Dans le cadre d’une étude internationale menée par une équipe française, nous avons effectué les premières mesures du rapport isotopique triple du dioxygène atmosphérique couvrant les 800 000 dernières années à partir de l’analyse des bulles d’air extraites de la carotte de glace EPICA Dome C. Le rapport isotopique triple du dioxygène de l’air est un traceur unique de la productivité de la biosphère globale, incluant la productivité terrestre et océanique, contrairement à d’autres enregistrements paléoclimatiques de la productivité qui sont locaux ou régionaux. En combinant notre série de mesures et des modèles simples représentant les processus importants d’échange de dioxygène dans la biosphère et la stratosphère, nous avons pu quantifier les changements de productivité de la biosphère globale lors des changements glaciaires – interglaciaires et pendant les périodes glaciaires des 800 000 dernières années.

La productivité de la biosphère globale reconstruite montre une claire variabilité glaciaire-interglaciaire, avec une productivité plus faible en période glaciaire, et une productivité plus forte en période interglaciaire ainsi qu’une forte corrélation avec les variations passées de concentration atmosphérique en CO2 mesurées à partir des carottes de glace. De plus, la corrélation avec la concentration atmosphérique en CO2 est plus prononcée pendant la période glaciaire, pendant laquelle le CO2 et la productivité globale de la biosphère commencent à augmenter des millénaires avant le début de la déglaciation. Cette corrélation s’explique par le fort effet de fertilisation par le CO2 atmosphérique. Nos résultats suggèrent que le CO2 atmosphérique et la productivité globale de la biosphère ont été étroitement corrélés au cours des huit derniers cycles glaciaires.

Figure: Évolution de la productivité de la biosphère globale au cours des 800 000 dernières années. A) Enregistrement de la composition isotopique triple du dioxygène (17Δ). B) Concentration en CO2 dans l’atmosphère ; C) Flux de productivité biosphérique (GPP; Gross Primary Productivity en anglais) au cours des 800 000 dernières années rapporté au flux de productivité biosphérique de la période préindustrielle

Auteurs: Yang, J. W., Brandon, M., Landais, A., Duchamp-Alphonse, S., Blunier, T., Prié, F., Extier, T.

Référence: Science (2022), 375(6585), 1145-1151